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B’nai Brith Canada exprime son opposition au projet de loi 96 controversé

Quebec National Assembly

13 juin 2022

MONTREAL – B’nai Brith Canada a rendu publique aujourd’hui son opposition au loi 96, une loi qu’elle considère comme préjudiciable aux intérêts de la population juive du Québec.

La loi a été sanctionnée le 1er juin et est maintenant en vigueur.

Les Juifs sont aujourd’hui quelque 90 000 dans la province. Les Juifs vivent au Québec depuis des siècles, la première congrégation ayant été établie en 1768. Mais les lois adoptées par l’Assemblée nationale du Québec peuvent envoyer un message négatif à la communauté. Il n’y a pas si longtemps, Montréal était la communauté juive la plus peuplée du Canada, avec un pic de population juive de 125 000 personnes en 1971.

Depuis des décennies, Montréal a vu ses Juifs partir, chassés en grande partie par l’antagonisme des gouvernements provinciaux successifs à l’égard des droits des minorités. La perte de Montréal a été le gain de Toronto, les Juifs contribuant à alimenter la croissance spectaculaire de cette ville au cours du dernier demi-siècle.

Le projet de loi 21 adopté en 2019, qui vise à instaurer la neutralité religieuse dans la sphère publique en interdisant les couvre-chefs religieux manifestes et ostensibles, notamment les turbans, les hijabs et les kippas, empêche les juifs pratiquants d’être employés comme fonctionnaires, juges, médecins, infirmières, policiers et eseignants.

« Aucune autre juridiction en Amérique du Nord n’a une loi comme le projet de loi 21 qui est si ouvertement discriminatoire envers les juifs et les autres minorités religieuses », a déclaré Michael Mostyn, directeur général de B’nai Brith. « Maintenant, avec l’érosion supplémentaire des Chartes canadienne et québécoise des droits en utilisant la clause dérogatoire pour adopter le projet de loi 96, nous craignons que de nombreux segments de la communauté juive soient privés de services importants et que les jeunes en concluent qu’il n’y a pas d’avenir pour eux dans cette province. Quelle ironie, en adoptant la Loi d’émancipation en 1832, le Bas-Canada, comme on appelait alors le Québec, a été parmi les premières juridictions à accorder aux Juifs des droits civils complets et égaux. »

La communauté juive du Québec d’aujourd’hui est plus diversifiée que par le passé. Plus de 20 % d’entre eux sont francophones. La communauté est plus âgée que la communauté juive canadienne moyenne et comprend des segments importants dont la langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français. La moitié de la communauté est anglophone. B’nai Brith croit que tous les segments de la communauté seront affectés négativement par le projet de loi 96.

B’nai Brith partage bon nombre des observations déjà rendues publiques par d’autres pour expliquer pourquoi il faut s’opposer au projet de loi 96. Ces arguments sont les suivants :

–  Tout recours à la clause dérogatoire pour adopter la loi 96 permettrait à la province de passer outre les libertés fondamentales garanties par la Charte canadienne des droits et libertés. Plutôt que d’appliquer la clause à des sections spécifiques de la loi, le gouvernement a appliqué la clause à l’ensemble de la loi, dans le but de protéger chaque aspect de celle-ci contre les contestations juridiques fondées sur la Charte. 

– L’utilisation de la clause dérogatoire pour adopter le projet de loi 96 permet à la province de passer outre les libertés fondamentales garanties par la Charte canadienne des droits et libertés. Plutôt que d’appliquer la clause à des sections spécifiques du projet de loi, le gouvernement a appliqué la clause à l’ensemble du projet de loi, ce qui fait que chaque aspect de la loi est censé être à l’abri des contestations judiciaires fondées sur la Charte.

– Contrairement à la Charte des droits du Québec, la Charte canadienne ne peut être modifiée par l’acte d’une seule législature. C’est ce que tente de faire le projet de loi 96. La formule d’amendement de la constitution canadienne suggère que le projet de loi 96 est illégal.

– Le projet de loi 96 ne vise pas à améliorer la qualité du français dans les écoles ou à aider les gens à renforcer leurs compétences en français, mais à attaquer les droits de la langue anglaise.

– Le projet de loi 96 n’offre aucune exemption explicite pour les réseaux de la santé et des services sociaux, obligeant tous les secteurs de l’administration civile du Québec, des centres de services délivrant les permis de conduire aux bureaux des permis municipaux en passant par les hôpitaux, à utiliser exclusivement le français dans les communications écrites et orales avec leurs clients, sous réserve d’exceptions pour certaines catégories de personnes et de circonstances et dans certaines urgences.

– Le projet de loi 96 limite le droit de communiquer en anglais avec les représentants du gouvernement et restreint l’utilisation de l’anglais devant les tribunaux. 

Le projet de loi 96 confère aux inspecteurs de l’Office québécois de la langue française des pouvoirs qui ne sont pas compatibles avec une société démocratique et qui permettent des perquisitions et des saisies sans mandat ni contrôle judiciaire. 

« Le gouvernement n’a pas démontré comment cette loi renforce réellement la langue française. Elle ne fait que dresser des barrières mesquines pour des centaines de milliers de Québécois ordinaires en réduisant leur accès à d’importants services quotidiens. Elle menace le fonctionnaire bon samaritain qui pourrait essayer d’aider une personne âgée en lui parlant quelques mots d’anglais. Il appelle les citoyens à faire des dénonciations anonymes. Ce n’est pas le Canada et, en fait, ce n’est même pas le reflet de la façon dont les Québécois se perçoivent », a déclaré Marvin Rotrand, directeur national de la Ligue des droits de la personne de B’nai Brith.

B’nai Brith a présenté aujourd’hui deux nouveaux arguments pour se mobiliser contre la loi. De nombreux Juifs québécois sont des immigrants. Il existe une importante communauté d’immigrants juifs âgés originaires de l’ancienne Union soviétique. Ces personnes sont empêchées par la loi 96 d’accéder à des services en anglais ou dans leur langue maternelle auprès de leurs médecins et des prestataires de soins de santé.

« Comment le français est-il favorisé en rendant difficile pour les personnes âgées d’Ukraine, de Russie, du Kazakhstan et d’ailleurs de recevoir les meilleurs soins de santé possibles ? Les personnes que notre organisation rend service parlent l’anglais comme deuxième langue, souvent de façon hésitante », demande Mark Groysberg, président de la Communauté unie des Juifs russophones du Québec. « La langue française estelle avancée lorsqu’une personne âgée ne peut prendre une décision éclairée. Pourquoi empêcher un médecin de l’Hôpital général juif de communiquer avec un patient dans sa langue maternelle ? Le gouvernement veut-il que les gens meurent? »

La Communauté unie des Juifs russophones du Québec et B’nai Brith affirment que le projet de loi 96 ignore la réalité moderne du Québec, en ce sens qu’un grand nombre d’immigrants, dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais, apprennent le français et vivent dans plusieurs langues. Leurs enfants et petits-enfants parlent souvent trois langues ou plus couramment.

« Nous sommes profondément troublés par les changements apportés à la Charte de la langue française par le projet de loi 96, préoccupations partagées par le Conseil du Patronat, le Collège des Médecins du Québec et le Barreau du Québec », a déclaré Mitch Brownstein, maire de la ville de Côte Saint-Luc. « Lorsque vous mettez de côté les protections des chartes québécoise et canadienne des droits de la personne, vous signalez que la loi n’est pas raisonnable. Les membres de nombreuses communautés, y compris les Juifs, découvriront que même s’ils sont anglophones ou utilisent l’anglais comme langue seconde et qu’ils vivent ici depuis des décennies, le projet de loi les définit comme inadmissibles à l’obtention de services vitaux de santé et autres en anglais. Cela ne protège en rien le français ».

Côte Saint-Luc est une communauté à majorité juive. M. Brownstein indique que de nombreux résidents de sa ville sont âgés et n’ont pas été scolarisés au Canada. Ils ne sont donc pas des “anglophones de souche” et ne pourront plus bénéficier de services en anglais.

B’nai Brith a récemment écrit au gouvernement du Québec pour l’avertir que le projet de loi 96 rendra difficile pour les congrégations juives d’engager des rabbins de l’extérieur du Canada. Face à la pénurie de rabbins, les synagogues québécoises sont souvent obligées de recruter aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Afrique du Sud.

La loi 101 accorderait aux enfants de rabbins de l’extérieur du pays d’obtenir une exemption qui leur permettait de fréquenter les écoles juives de langue anglaise pendant trois ans. Cette exemption était renouvelable. En vertu de la loi 96, l’exemption est limitée à deux ans et n’est pas renouvelable, ce qui rend le Québec beaucoup moins attrayant pour les rabbins de haut niveau.

La loi 96 jumelée à la loi 21 dit aux Juifs que leurs droits civils ont peu de valeur au Québec. Cependant, l’Acte d’émancipation de 1832, aussi connu sous le nom d’« Acte Hart », a accordé les pleins droits politiques aux Juifs, et par extension, à toutes les minorités du Québec.  Nous sommes ici aujourd’hui pour dire qu’aucun gouvernement ne peut abroger ces droits, y compris par toute utilisation future de la clause nonobstant», dit M. Mostyn.